Le sens de la provocation semble être devenu une ligne directrice, chez Hyundai. Deux ans après la très spéciale Ioniq 5, la gamme électrique du constructeur coréen propose désormais la tout aussi dérangeante Ioniq 6. Ce drôle d’objet roulant non identifié est censé marquer le retour en grâce de la berline classique, sous une forme plutôt inattendue. Notre essai.
Attention, il y a un piège : la Ioniq 6 n’est pas la grande sœur de la Ioniq 5, et encore moins sa remplaçante anticipée. Cette étrange berline, basse et élancée, opère dans un autre registre que l’inclassable crossover aux airs de compacte XXL que l’on découvrait en 2021. La Ioniq 6, héritière du concept Prophecy présenté début 2020, se place dans la gamme Hyundai comme le serait une pièce supplémentaire dans un jeu d’échecs. C’était l’analogie évoquée par le constructeur, lors de sa présentation voilà quelques mois. Plutôt habile, et on imagine facilement la répartition des rôles : la Ioniq 5 serait une Tour, la Ioniq 6… le Fou ? Pourquoi pas, toutes deux n’ont pas vraiment de rapport hiérarchique et assurent un rôle bien distinct dans l’offre électrique Hyundai.
Outre les motifs en pixels de l’éclairage, très graphique, difficile de percevoir une filiation entre les deux cousines Ioniq… Pour rappel, toutes deux partagent pourtant la même base technique en 800V, également présente chez Kia avec la EV6. Cette grande berline de 4,85 m de long doit son coup de crayon quasi unique dans le paysage actuel à un gros travail sur son aérodynamisme. Résultat, avec les rétroviseurs caméras et les jantes les plus aérodynamiques, la Ioniq 6 affiche un excellent Cx de 0.21 : mieux qu’une Tesla Model 3 (0.23) ou une Porsche Taycan (0.22), juste derrière une Mercedes EQS et une Tesla Model S (0.20)…
Rien de nouveau dans la démarche, en réalité ! Pour lutter contre la résistance à l’air, ennemi de tout objet en mouvement, les concepteurs ont travaillé de tout temps sur la forme des carrosseries. Le style « Streamline », ouvertement revendiqué par Hyundai, trouve ses plus beaux exemples dans les grands noms de la carrosserie des années 30. Bugatti, Talbot – Lago… Le profil de la Ioniq 6, étrangement déséquilibré, semble ainsi avoir été dessiné d’un seul tenant. Le ¾ arrière est particulièrement spectaculaire et alambiqué, évoquant la lointaine et très singulière limousine tchèque Tatra T87. Les connaisseurs apprécieront la référence.
La Ioniq 6 affiche un excellent Cx de 0.22, qui descend à 0.21 avec les rétroviseurs caméra. Mis bout à bout, les efforts sur l’aéro permettent d’annoncer une autonomie de 614 km et des consommations quasi record.
Bon à savoir : anticiper l’achat et la revente.
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Sur la route : efficace mais sans surprises
La base technique est donc connue. L’architecture, similaire à celle de la Ioniq 5, est proposée en deux configurations de motorisation : 229 ch avec un seul moteur synchrone sur l’essieu arrière, ou 325 ch pour la version HTRAC 4 roues motrices, pourvue de deux moteurs. En revanche, la Ioniq 6 ne propose qu’un seul choix de batterie en France, la plus grosse en l’occurrence (77,4 kWh utiles). On retrouve logiquement les mêmes capacités de recharge que la Ioniq 5, avec un chargeur de 11 kW en courant alternatif (pas de recharge 22 kW disponible). L’intérêt de l’auto réside surtout dans ses performances en charge rapide CCS, en acceptant 239 kW, permettant ainsi de retrouver 80 % de batterie en un peu moins de 20 mn. La Ioniq 6 se place ainsi parmi les meilleures en la matière, et toise même des modèles plus huppés : une BMW i7 plafonne à 200 kW. Evidemment, les aléas du réseau et des sollicitations réservent toujours de surprises et ces valeurs théoriques sont valables dans un monde idéal.
Les premiers tours de roues s’effectuent sans grande surprise. En douceur, en silence… et avec un certain punch malgré les 2.110 kg de notre version d’essai. 325 ch et surtout 605 Nm de couple quasi immédiat réservent des relances musclées et chronos costauds : 5,1 s de 0 à 100 km/h. Plus sage, l’entrée de gamme annonce des chiffres déjà corrects (7,4 s de 0 à 100 km/h, et 130 kg de moins).
Comme prévu, rien de révolutionnaire en matière de sensations au volant. Une auto électrique délivre toujours ce même type de poussée linéaire au possible, énergique mais sans grand relief. Pas déplaisant, mais neutre au possible… et à l’image de ce que l’on attend d’une berline dédiée au voyage. Tout respire la sérénité, y compris dans son comportement efficace et rassurant. Plus dynamique et mieux tenu que la Ioniq 5, bonne nouvelle ! L’empattement géant (2,95 m, presque autant qu’une Audi A8 par exemple !) profite logiquement à la stabilité de l’ensemble, tout comme le centre de gravité au raz du sol, les batteries étant situées dans les soubassements. Les seuls griefs, à la rigueur, porteront sur l’amortissement un brin trop ferme à faible allure, contrepartie de l’imposante masse à contenir, raideur sans doute accentuée par les grandes jantes de 20 pouces. Pas gênant, et l’auto profite d’un toucher de route globalement feutré, sans atteindre toutefois le mordant ou l’agilité d’une Tesla Model 3 ou d’une BMW i4. La Ioniq 6 est plus bourgeoise, dans l’esprit.
A l’instar de la Ioniq 5, la Ioniq 6 repose sur une plate-forme 800V permettant jusqu’à 239 kWh en charge rapide CCS. On compte un peu moins de 20 mn pour passer de 10 à 80 %.
Plus agaçant, en revanche, la position de conduite est un peu haute et les sièges avant manquent de maintien (l’assise est trop plate). Toutes les morphologies ne sont pas logées à la même enseigne. Dommage, car la Ioniq 6 sait globalement bien recevoir. Nous y reviendrons. La bonne surprise, en revanche, vient des rétroviseurs caméras : les deux écrans qui assurent la rétrovision sont plutôt bien placés, contrairement à ce que l’on trouve chez un certain constructeur bavarois. On s’y fait assez facilement, même si rien de remplace vraiment de vrais miroirs. L’option, facturée 1.200 €, permet de gagner 0.01 point de Cx… Ce qui équivaut théoriquement à une quinzaine de km d’autonomie de grappillés. Bon, avouons que l’argument d’épater les copains est une meilleure excuse.
Promesses record… presque tenues
Hormis la rapidité de charge, la technologie électrique de la Ioniq 6 ne joue pas vraiment la surenchère. Pas de batterie géante ni de gadget spectaculaire (la recharge bidirectionnelle V2L peut toutefois dépanner), mais les effets du travail aéro sont bien réels. Hyundai annonce 614 km avec la version la plus modeste, pourvue d’un seul moteur et des petites jantes, soit une consommation moyenne de 14,3 kWh / 100 km. Ce qui serait remarquablement bas, compte tenu du niveau de prestations.
Notre essai, sur un parcours alternant autoroute et montagne par basses températures, s’est soldé par une consommation d’à peine 21 kWh/100 km. Belle performance, tout en profitant des 325 ch de notre version HTRAC.
Notre version HTRAC, plus lourde et pourvue de grandes jantes, prévoit logiquement des chiffres moins favorables (583 km annoncés)… mais s’en tire remarquablement bien, sur le parcours que nous lui avons infligé : du relief sur les routes du Jura, une montée de col dans les Alpes, de l’autoroute (à vitesse usuelle bien entendu), le tout par des températures hivernales oscillant entre 0 et 8 degrés.
Au bout de compte, nous avons relevé un peu moins de 21 kWh / 100 km. Sans aucune précaution ! Cela nous amenait à une autonomie totale de 360 km, sans appréhension. Sachant que chauffer un habitacle en hiver est au moins aussi fatal à l’autonomie d’une électrique que de s’attarder sur autoroute, le score frise le record. A confirmer dans des conditions moins rudes, et avec la « simple » Ioniq 6 229 ch.
A bord : trop classique ?
Le style intérieur, curieusement, est bien plus conventionnel que le reste la voiture. Très épurée, sans fantaisie particulière, la planche de bord à l’horizontale reprend un agencement désormais classique : une large dalle avec deux écrans (12,3 pouces), et une console centrale mêlant commandes tactiles et physiques pour la climatisation. L’ergonomie de l’ensemble est plutôt bien pensée, à quelques curiosités près. Par exemple, les commandes de lève-vitres revenues sur le tunnel central, comme dans les années 80 ! Pas anodin : cet emplacement permet de creuser les contre-portes pour offrir plus de largeur.
L’intérieur de la Ioniq 6 est étonnament sage par rapport au reste de l’auto : l’agencement est convenu, mais le style épuré n’est pas déplaisant et la fabrication sérieuse. Dommage : la position de conduite est un peu haute.
La finition, sérieuse, souffre toutefois de quelques plastiques durs pas très avenants. Rien qui dénote heureusement. La présentation reste homogène et lumineuse. L’habitacle se distingue surtout par son espace arrière, géant… Mais côté coffre, c’est moins brillant : 400 l et pas de hayon (des charnières auraient réduit la garde au toit), pour une berline de ce gabarit, c’est peu. La profondeur de chargement est toutefois convenable, et un petit compartiment « frunk » sous le capot avant permet de ranger les câbles de charge.
Tarifs : une Ioniq 6 ambitieuse mais bien équipée
Face à la concurrence au moins aussi affutée que représentent les Tesla Model 3 (à partir de 44.990 €) et BMW i4 (57.550 € en eDrive 35, 286 ch), la Ioniq 6 se place entre deux eaux. Bien plus chère que l’américaine, imbattable en rapport prix / prestations, plus accessible qu’une BMW plus enthousiasmante au volant et pourvue d’une batterie à peine plus grosse (80,7 kWh utiles). La Hyundai n’est pas donnée, en fixant son prix d’appel à 52.300 € (Intuitive).
A ce tarif, la dotation est déjà riche : interface Carplay / Android Auto, régulateur adaptatif, sièges et volant chauffants, caméra de recul de série. Moyennant 4.600 € de plus, le niveau suivant (Creative) ajoute notamment les phares matriciels à Leds, les sièges ventilés, la pompe à chaleur et la sellerie cuir. Enfin, notre version d’essai Executive affiche complet : système audio Bose, caméras 360°, affichage tête haute, toit ouvrant et jantes de 20 pouces. Mais là, la facture frise le premium : 60.900 € en 229 ch, et 64.800 € en HTRAC 325 ch. Trop cher pour prétendre au moindre bonus, dans tous les cas.
L’empattement de presque 3 mètres réserve un espace arrière immense. La Ioniq 6 est une routière acceuillante, mais évitons les bagages trop encombrants : le volume est moyen, et pas de hayon…
Caractéristiques techniques Hyundai Ioniq 6 (2023)
Hyundai Ioniq 6 en quelques chiffres | ||
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Tarifs | à partir de 52.300 euros (finition Intuitive) |
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Puissance | 229 ch – 325 ch | |
0 à 100 km/h | 7,4 – 5,1 s | |
Batterie | 77,4 kWh | |
Autonomie annoncée | 614 km (229 ch) | |
Fiche Technique complète – Hyundai Ioniq 6 |