Personne ne remet en question les performances et chronos saignants des sportives électriques du moment, ni leur efficacité. Juste l’absence de caractère, au mieux leur neutralité. Pour son premier modèle badgé N 100 % à piles, Hyundai pousse le délire plus loin et nous sert une Ioniq 5 N de 650 ch à la sauce rallye. Totalement artificielle, et alors ? Ne faites pas semblant d’être choqué avant d’avoir goûté.
Voilà certainement le seul bénéfice concret à tirer de l’électrique, quand on a grandi avec un goût certain pour le pétrole et l’huile proche de l’ébullition. Il est facile de sortir de très fortes puissances, des valeurs de couple proches d’une locomotive, le tout bien canalisé par l’électronique, avec des chronos impressionnants à la clef. Il est bien moins complexe de développer un moteur électrique très puissant qu’un V8 ou un V12 atmosphérique à fort rendement… Dans le genre extrême, Tesla propose déjà l’hallucinante Model S Plaid (1.020 ch !), Porsche et Audi les jumelles Taycan et e-tron GT, impressionnantes dans leurs versions de pointe.
Finalement, toutes fonctionnent à peu près de la même manière. Des chronos standardisés, en quelque sorte. Launch control brutal, accélérations à vous faire sauter les plombages, poussée façon Saturn 5 sur les premières centaines de mètres… Et c’est tout ? Efficace et violent, mais linéaire. Et lourd aussi (une grosse demi-tonne de batteries à déplacer, au minimum), avec tout ce que cela implique en comportement et freinage. On ne refait pas l’histoire ni les lois de la physique, il faut bien vivre avec. La Ioniq 5 N n’apporte certainement pas de révolution en la matière, sur le papier. Il s’agit toujours d’une énorme enclume de plus de deux tonnes, puissance et couple maximal ne battent aucun record (650 ch et 770 Nm en pic), et d’autres accélèrent plus fort. Bon, elles ne sont pas nombreuses à pouvoir tenir le rythme, c’est vrai (3,4 s de 0 à 100 km/h).
Hyundai Ioniq 5 N : bande – son WRC, et une surprise
Cela ne se remarque guère, mais un énorme travail a été mené sur les trains roulants et la structure (rigidifiée) de la Ioniq 5. Toujours le même look tout en angles, pas banal, à mi-chemin entre bunker roulant et grosse Lancia Delta de première génération ! Vous voyez ? C’est vrai qu’elle intrigue, cette silhouette inattendue sur un gabarit plutôt massif. Ici, les éléments aérodynamiques (bouclier avant plus ajouré pour optimiser le refroidissement de la batterie, et diffuseur spécifique) allongent le tout de 8 cm (4,72 m), les ailes gonflent de 5 cm pour accueillir les grosses jantes de 21 pouces (chaussées en 275/35) et les voies élargies (1,94 m de large désormais). La teinte bleue et les lisérés orange, signature de la branche sportive Hyundai, restera propre à la Ioniq 5 N. Précisons qu’en France, elle est dorénavant le seul modèle à porter les couleurs de la famille N, notre malus national ayant fait son œuvre. Bien joué pour nos voisins… qui pourront toujours profiter des i20 et i30 N (toujours vendues partout ailleurs en Europe).
Le traitement « Namyang » ne se limite pas à un kit carrosserie plus agressif : la structure est plus rigide, les trains roulants sont spécifiques et les voies sont plus larges de 5 cm, par rapport à une Ioniq 5 classique. Un gros travail de fond !
Bon à savoir : anticiper l’achat et la revente.
Il est possible de connaitre la valeur de revente ou de reprise de votre véhicule grâce à la cote auto Turbo de votre Hyundai Ioniq 5, l’alternative à la côte Argus.
A bord, mis à part les baquets (confortables mais manquant de maintien latéral) et le volant propre à la N (n’appuyez pas sur le bouton rouge tout de suite, nous dit-on lors de la prise en main !), l’agencement reste similaire à celui d’une Ioniq 5 classique (donc vaste pour les passagers, mais décevante côté coffre).
Sur le grand écran central, on trouve ici une foule de menus permettant de paramétrer les modes de conduite, la gestion de la motricité, de la répartition du couple, du plus sage au plus sportif. On trouve aussi une fonction « Drift Optimizer », pour faciliter la glisse et la dérive. Assez pointu en pratique, lorsqu’il faut rattraper une telle masse en glisse. Plus étonnant : le N Active Sound Plus permet de choisir une sonorité factice retransmise par les haut-parleurs. Un sifflement façon ovni (classique), une accélération de jet (pas très convaincant) et… les grondements du 1.6 l turbo de la i20 N. Tiens donc ! Plus curieux encore, la fonction N e-shift permet de paramétrer les passages de rapports. Pardon ?! Si si, nous parlons bien d’une électrique, pourvue de deux moteurs (un par essieu, 226 ch à l’avant et 383 ch à l’arrière)… et d’aucune boite de vitesses (un seul rapport de réducteur, pour être précis).
Sur le volant, spécifique à la N, le bouton rouge NGB (N Grin Boost) porte ponctuellement la puissance à 650 ch (à condition d’avoir au moins 30 % de batterie). Sur l’écran central, les menus et réglages sont nombreux, et pas toujours clairs.
La mise en route achève de laisser perplexe. Aucun moteur essence, mais le son est bien celui d’un 4 cylindres rauque et rageur. Après tout, pourquoi pas ? Vu que les sensations au volant passent par l’oreille, le clin d’œil fait sourire. La démarche rappelle l’Abarth 500e, en moins artificiel. Déjà, le rendu est plutôt travaillé et fait presque illusion. Ensuite, la simulation pousse même le vice à reproduire une légère vibration lorsque l’auto s’ébroue, aux premiers tours de roues… Totalement décalé !
Reproduire volontairement ce que les ingénieurs cherchent à tout prix à gommer sur des autos thermiques, il fallait oser. Le plus loufoque arrive dans la foulée : l’auto imite le fonctionnement d’une vraie transmission, simule même de brèves ruptures de charge au passage de rapport en atteignant une fausse « zone rouge », et un faux coup de gaz au rétrogradage, plus vrai que nature et parfaitement synchronisé avec les phases de conduite. Même les palettes au volant sont « fonctionnelles ». Mais à la manière d’une grosse Playstation, lâchée sur route (sauf en mode Normal, où elles servent à gérer la récupération au freinage)… Déroutant, assurément, quand on sait que tout cette démonstration est totalement virtuelle, sans la moindre composante mécanique ! Certains confrères, avec un peu d’ironie, diront même que certaines vraies boites double embrayage ne font pas aussi bien.
Tout y est, même en levant le pied, avec de fausses remontées de gaz à l’échappement… évidemment inexistant ! La Ioniq 5 N assume totalement la dimension virtuelle de ce très curieux mode N Shift. Factice, et alors ? Les chronos sont bien réels.
Hyundai Ioniq 5 N, de la route à la piste : comme une GTI géante
Chrono en main, c’est du sérieux. Mode NGB activé (pour N Grin Boost), via le fameux bouton rouge, on dispose temporairement d’un surplus de puissance de 41 ch. 650 ch donc, durant 10 secondes (609 ch le reste du temps). Atteindre 200 km/h demande un peu moins : 8,1 s, après un launch control fou furieux qui vous plaque au siège. Certes, comme nous disions plus tôt, d’autres le font déjà. Le tout, quand on parle de sport, reste aussi de savoir tourner et freiner. Le châssis a donc fait l’objet d’un sérieux travail de développement de la part des ingénieurs supervisés par Albert Biermann, un ancien de chez BMW M passé chez le constructeur coréen.
Pour rappel, la Ioniq 5 classique est un sage crossover très placide, un rien mollasson. Ici, l’auto est autrement mieux tenue, mais sans excès en mode « Normal ». Le confort reste tout à fait acceptable. Plus raide en suspension, en Sport Plus, mais toujours relativement civilisé… Les mouvements de caisse sont bien maitrisés, sans réactions trop sèches, et le comportement est bien celui d’un gros crossover facile, même à gros rythme.
Attention, la Ioniq 5 N reste une machine encombrante et lourde (2.230 kg exactement), et dépourvue de roues arrière directrices. Empattement de 3 mètres, train avant pas très mordant, malgré la nouvelle direction… Bref, pas vraiment un monstre d’agilité affuté comme une dague, a priori. Mais le grip des Pirelli (développés spécialement pour la Ioniq 5 N) la motricité, efficace, rassurent. Mieux : le différentiel arrière mécanique (géré par électronique) aide à enrouler, et gomme un tempérament légèrement sous-vireur, à rythme modéré.
Le comportement sportif de la Ioniq 5 N n’a rien de fictif : malgré le poids très élevé, l’auto est étonnament agile. La direction a été revue, et un différentiel arrière aide à enrouler. Le travailsur le châssis est soigné.
Résultat, le comportement devient vite beaucoup plus enjoué si on la bouscule. On intègre vite le mode d’emploi : ne pas hésiter à taper dans les freins, quand il faut la placer en courbe serrée. Un regret pour le mode « One Pedal », permettant de maximiser le freinage régénératif et de conduire quasiment sans toucher aux freins : il ne fonctionne pas avec la simulation de boite e-Shift. D’emblée, on se contente plutôt du freinage « classique », plus naturel. Pour une fois, le dosage est plutôt facile et les transitions entre freinage mécanique et régénératif peu gênantes. Assez rare, en électrique. Seule inconnue, combien de temps les gros disques acier (400 mm à l’avant) tiendront avant de craquer ? Sur route, même en conduite dynamique, il y a de la marge… et notre galop d’essai sur piste (par temps froid et humide) n’a pas permis de les mettre en défaut (encore heureux). On se prend à tomber un (faux) rapport, remettre les (faux) gaz très tôt, puis déclencher une légère glisse de l’arrière, bien mobile mais facile à rattraper, pour de vrai cette fois. Nous voilà rassurés : la Ioniq 5 N sait tourner (et presque à plat). Trouver du ludique dans ce gros et pesant crossover électrique, la aussi, c’était inattendu.
Hyundai Ioniq 5 N : batterie et autonomie
Quelle importance, finalement ? Pour une sportive électrique, guère plus que si elle embarquait un V8 bien débordant… La Ioniq 5 n’est déjà pas un exemple d’autonomie (aérodynamique et poids, forcément), sa variante énervée ne risque pas de faire mieux. Notons toutefois qu’elle profite d’une nouvelle batterie de 84 kWh (capacité nette), qui fait son apparition sur les versions classiques tout juste remaniées, en remplacement de l’ancienne batterie de 77 kWh. Celle-ci annonce une autonomie de 448 km, totalement illusoire si on demande à cette Ioniq 5 N ce dont elle est capable.
Hormis les baquets (qui manquent un peu de maintien latéral) et le volant, l’habitacle reste identique à n’importe quelle Ioniq 5 : épuré, très vaste (moins côté coffre) et bien construit (excepté quelques plastiques basiques).
En pratique, nous avons relevé une moyenne d’environ 29 kWh / 100 km, laissant entrevoir un peu moins de 300 km d’autonomie. Bien moins en forçant encore l’allure, surtout sur voie rapide. En conduite raisonnable, on peut cependant compter sur un rayon d’action tout à fait correct. Par ailleurs, principal atout de l’architecture 800V des Hyundai Ioniq 5 et Kia EV6, la puissance de charge (jusqu’à 350 kW) permet des passages express à la borne : 18 mn de 10 à 80 %, en théorie comme toujours.
Tarifs Hyundai Ioniq 5 N : chère, mais sans rivale directe
La Ioniq 5 N est la plus chère des Hyundai à ce jour. Certes, l’équipement est archi-complet et les prestations de pointe impressionnent autant qu’au volant de sportives électriques bien plus onéreuses. Mais tout de même : à 78.000 €, il faudra vraiment être fan absolu du modèle pour franchir le pas. Cela dit, les Audi e-tron et Porsche Taycan précitées coutent environ 30.000 € de plus, au minimum. Bien moins délurées, dans l’esprit. Les seuls concurrentes approchantes de la Ioniq 5 N se trouvent ainsi du côté de la Kia EV6 GT (moins puissante et moins originale, là encore), ou de la Tesla Model 3 Performance récemment dévoilée. Moins puissante (460 ch) mais imbattable en rapport prix / performances : 55.990 €, pour un 0 à 100 km/h en 3,1 s ! Mais elle ne fait pas de bruit…
Titre fiche technique
FIche technique Hyundai Ioniq 5 N (2024)
Fiche technique
Dimensions L x l x h | 4,72 x 1,94 x 1,59 m |
---|---|
Volume mini / maxi du coffre | 480 / 1.540 l |
Empattement | 3,00 m |
Poids à vide | 2.230 kg |
Motorisation – Puissance / couple maximal combiné | Electrique, 2 moteurs synchrones à aimant permanent – 609 ch / 740 Nm (mode NGB : 650 ch / 770 Nm) |
0 à 100 km/h – 0 à 200 km/h – Vitesse maximale | 3,4 s – 8,1 s – 260 km/h |
Capacité batterie – autonomie annoncée (mixte WLTP) | 84 kWh – 448 km |
Puissance recharge AC – DC | 11 kW – 350 kW |
Tarifs | à partir de 78.000 € |