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guerre des breaks, breaks de guerre

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Passé le goût amer d’avoir perdu le V8 au profit d’un 4 cylindres doublé d’une puissante hybridation, on trouve objectivement de solides talents à la nouvelle Mercedes AMG C63. 680 ch de puissance totale, servis par une technologie ultra élaborée pour canaliser le tout, voilà qui devrait laisser une bonne partie des rivales dans le rétro. Pas si vite : la BMW M3 Touring pointe à 170 ch de moins, mais sa force de frappe est d’un autre registre. Le premier break M3 de l’histoire entendait, dès le départ, se poser en patron chez les breaks de sport.

Certains noteront peut-être une absence, à raison : en général, dans toute confrontation de breaks hautes performances figure une Audi. L’actuelle RS4 a beau être en fin de carrière, elle est bien l’héritière de la pionnière du genre (l’éphémère RS2 sortie en 1994). Son V6 biturbo de 450 ch n’a rien de dépassé, elle est moins chère (98.410 €) et moins pesante (1.820 kg) que nos deux monstres du jour. Mais il s’agissait aujourd’hui d’opposer les deux visions les plus extrêmes possibles du break familial tueur de chrono.

 


"PHOTOS - BMW M3 Touring vs Mercedes AMG C63, le choc : notre match en images (195012)"

La puissance ne fait pas tout, la M3 en est la parfaite illustration : malgré 170 ch de moins, elle talonne la rivale AMG de près. Quand la route tourne, la BMW s’avère tout aussi efficace…

D’un côté, la M3 Touring lancée l’an dernier. Première M3 proposée dans cette carrosserie, et immédiatement adulée des fans de BMW M. Son capital sympathie est énorme, au moins autant que l’immense double haricot de calandre ! Le style outrancier de la M3 G80 s’accorde plutôt bien à la hotte. Toujours un 6 cylindres biturbo de 3 litres, 510 ch, et une transmission intégrale xDrive perfectionnée, permettant d’être verrouillée en pure propulsion. En face, c’est aussi une grande première. Et une sacrée polémique : la plus violente des Classe C abandonne son V8, jusqu’à présent sa marque de fabrique, pour un 4 cylindres de 2 litres. La cylindrée réduite de moitié par rapport au prédécesseur dérivé de l’AMG GT… et un gros moteur électrique de 204 ch fait son apparition, accolé au train arrière. 680 ch en puissance combinée ! Côté look, la C 63 fait preuve d’un peu plus de retenue que la M3. Moins outrancier que la bavaroise et ses angles agressifs, ce break en impose tout de même : la calandre Panamericana, les ailes arrière élargies de 8 cm, le gros diffuseur…

AMG fiscale, M3 musicale ?

Le nom complet de la Classe C est aussi complexe que la fiche technique : Mercedes AMG C 63 S E-Performance 4 Matic+. Ouf ! La C 63 reçoit donc un hybride plug-in, alimenté par une batterie de 6,1 kWh. On recharge assez peu souvent, en réalité, à moins de vouloir maximiser les trajets quotidiens en électrique (assez brefs, à peine 13 km). Le bloc essence, de toute façon, assure en continu un maintien de charge suffisant pour disposer de toute la puissance si besoin. La motivation de ce développement pointu dérivée de la F1 n’est donc pas vraiment économique, même si la C 63 échappe ainsi au malus maximal de 60.000 €. Nous y reviendrons.

 


"PHOTOS - BMW M3 Touring vs Mercedes AMG C63, le choc : notre match en images (195012)"

Brutes en liberté : dans les deux cas, le look agressif à souhait (surtout pour la M3 !) est justifié par les capacités de ces breaks hors normes. Voies larges, gros diffuseurs…

Philosophiquement, tout l‘oppose à la M3 de conception plus traditionnelle. La mise à feu de la BMW s’opère dans le grondement familier du 6 en ligne, quand la C 63 s’ébroue avec une voix bien moins raffinée. Prévisible ! Mais pas moins impressionnante, et c’est là toute la surprise du parti-pris osé d’un « demi V8 » : rocailleux et métallique, il tonne haut et fort. Sa sonorité, assez artificielle, est essentiellement due à l’échappement, et amplifiée par les haut-parleurs. L’exubérance typiquement AMG a donc radicalement changé de registre… mais reste bien présente. C’est un autre type de plaisir : hargneux, brutal, nous avons tout de même affaire au 4 cylindres le plus puissant de la production actuelle, à 476 ch à lui seul !

Bien sûr, il ne chante pas comme un V8, les montées en régime sont loin d’être aussi rageuses et ce moteur dérivé de la A 45 AMG manque de noblesse dans une Classe C. Mais l’allonge : du délire, Stéphane vous en parlait dans son essai, surtout sur le très brutal mode Race. On dispose alors de toute la cavalerie et du couple maximal. 1.030 Nm, du jamais vu sur un break de ce segment. Une Bugatti Veyron, c’était 1.250 Nm… Et c’est tout à fait dérangeant : pas de temps de réponse (atout du turbo électrique), relances de pure supercar partout, à tous les régimes. Inattendu, de la part d’un « simple » 4 cylindres. Mais le considérer comme tel serait une erreur, vu que le bloc thermique n’est finalement que l’une des composantes de ce complexe dispositif.  

 


"PHOTOS - BMW M3 Touring vs Mercedes AMG C63, le choc : notre match en images (195012)"

Choc des cultures : 6 cylindres turbo « classique », contre 4 cylindres hybride bardé de technologie pointue. Question musique et caractère, on vote… BMW.

La M3 accélère moins fort de 0 à 100 km/h, soit. Mais la C 63 est toutefois loin de lui flanquer une fessée à proprement parler : 3,6 s pour la BMW, un petit dixième de moins côté Mercedes. Attention, pas question de se focaliser sur un bête sprint de ligne droite pour en tirer un quelconque verdict. L’écart se maintient pour atteindre 200 km/h : 12,5 s pour la C 63, 12,9 s avec la M3. Les chiffres sont donc bien plus proches que prévu, ce qui n’était pas gagné compte tenu de l’écart de puissance et de couple (650 Nm pour le 6 cylindres la M3). Cette proximité s’explique en partie par l’écart de poids, d’environ 175 kg en faveur de la BMW (1.940 kg contre 2.115 kg !).

Quant au tempérament du 6 en ligne… Nous avons toujours affaire à l’un des moteurs les plus sympathiques du moment : rageur et chantant, souple puis de plus en plus virulent à mesure que l’on approche de la zone rouge à plus de 7.000 trs/mn. Pour mémoire, les 6 cylindres BMW actuels font partie des meilleurs exemples de suralimentation réussie.

Balistique de haute précision

L’exubérance habituelle AMG a bien changé de registre, dans le genre extrême. Pas plus édulcoré qu’avant, mais parfaitement différent. C’est assumé, mais les repères sont forcément un peu brouillés. En face, la M3 entretient soigneusement un esprit bien plus traditionnel, et scrupuleusement fidèle à ce qui porte le badge M chez BMW. Débordant et un rien teigneux, dans l’esprit ! Nous sommes donc en terrain connu au volant d’une M3 Touring. C’est très clair : elle se pose en vraie voiture de sport, dès le départ. Tout semble un peu plus brut, plus ferme, par rapport à la C 63 presque plus civilisée au quotidien. Cela vaut pour le confort général, plus raide : baquets au maintien sportif, sur notre version, amortissement sec à allure modérée, direction ferme et bien consistante surtout en Sport… Contrecoup de ce parti-pris, le train avant a tendance à trop « lire » la route et suivre les irrégularités, même en mode Confort.

 


"PHOTOS - BMW M3 Touring vs Mercedes AMG C63, le choc : notre match en images (195012)"

L’hybridation de la Mercedes sert avant tout le chrono. Qu’elle lui permette d’échapper au malus maximal est secondaire, même si… 30.000 € d’écart avec la M3, au final, cela peut compter !

La M3 n’a rien de minimaliste techniquement. Simplement, la gestion de la motricité, de la répartition du couple, de la transmission, visent le sport « sans filtre » (toutes proportions gardées, pour un break de 2 tonnes !). Même en mode Confort, le plus sage, les sensations ressortent plus authentiques… Au volant de la C 63, c’est autre chose. Pas besoin de s’impliquer pour aller vite, en gros : la C63 donne plutôt l’impression d’être spectateur d’une terrifiante démonstration de force, quand la M3 invite plutôt à travailler soi-même… et nous laisse le sentiment plus gratifiant d’être seul maitre à bord. Dans les deux cas, l’illusion de facilité est un peu dérangeante pour des autos aussi pesantes. Deux tonnes, est-ce bien sérieux ? Quant à savoir laquelle sera la plus redoutable sur un tracé technique de montagne… querelle de chapelle !

Reconnaissons enfin, au crédit de la BMW, un freinage précis et plus facile à doser (pas d’hybridation à gérer ici !). Et endurant, les temps changent ! La M3 est aussi un peu plus communicative que la Mercedes, sur ce qui se passe sous ses grosses gommes. La Mercedes, à force de compter sur sa technologie, en devient presque effrayante : les roues arrière directrices, ça aide… surtout à repousser les limites. Bien au-delà des nôtres. Et totalement abstraites sur route ouverte, dans les deux cas. Rien ne bouge, on vire à plat, très vite et très fort. Bizarre, on aimerait au moins qu’elle nous donne un indice avant qu’il ne soit trop tard ! La direction, un peu trop légère et gommée, participe à ce feeling globalement aseptisé. Et le caractère moteur, artificiellement exubérant, n’aide pas. C’est peut-être ça, maintenant, l’esprit AMG. Excessif, mais bien différent de ce que l’on connaissait.        

 


"PHOTOS - BMW M3 Touring vs Mercedes AMG C63, le choc : notre match en images (195012)"

Dans la M3, les modes de conduite et paramètres se commandent via l’écran central. La position de conduite est parfaite, les baquets enveloppants maintiennent mieux qu’à bord de la Mercedes.

Vie à bord (c’est important)

Dans le cas de breaks de ce calibre, le critère des aspects pratiques peut sembler parfaitement dérisoire. Pas tant que ça, en réalité. Après tout, un grand coffre capable d’engloutir les bagages ou de jouer les brocanteurs supersoniques fait partie de la dimension décalée de ces machines hors normes. C’est valable pour la BMW en tout cas : 500 l, un grand plancher quasi plat banquette rabattue, et quelques astuces plutôt bienvenues. Dans le double fond, un logement permet de ranger le cache-bagages par exemple.

Exactement comme n’importe quel break Série 3, la M3 Touring présente donc des capacités d’accueil intéressantes. L’inverse de la C 63, qui paye cher son hybridation… Caser une batterie, un moteur électrique, un réservoir de 60 l, une transmission intégrale et des roues arrière directrices prend forcément de la place ! Le coffre de la Mercedes est sévèrement amputé par une imposante marche, le double fond est condamné et le plancher rehaussé de presque 10 cm ! Résultat, le volume chute à 320 l (455 l pour une simple Classe C). Et si on y ajoute les câbles de charge, il ne reste guère de place pour les départs en vacances en famille.

 


"PHOTOS - BMW M3 Touring vs Mercedes AMG C63, le choc : notre match en images (195012)"

Plus clinquante, mais moins soignée en finition… En revanche, l’interface MBUX est plus aboutie. Là encore, toutes les paramètres de conduite se règlent via le grand écran central (ou un raccourci pivotant en bas du volant).

Dans les deux cas, l’espace arrière est généreux mais l’ambiance assez engoncée, la visibilité vers l’avant étant obstruée par les imposants baquets. Les meilleures places sont logiquement à l’avant. Là, on retrouve les qualités propres à chacune dans leurs versions civilisées : une finition et des matériaux de meilleure facture chez BMW, bien que Mercedes semble avoir fait des efforts dans les assemblages de cette AMG, par rapport à une Classe C classique (on constate des disparités de finition chez Mercedes ces derniers temps). Mercedes joue dans un registre plus clinquant (abstraction faite du cuir orange de notre M3 d’essai !), et très techno : la fameuse interface MBUX de dernière génération, sans doute l’un des systèmes les plus aboutis du moment, est aussi un peu moins complexe à appréhender que le large double écran BMW apparu lors du restylage de la Série 3 (2022). Concernant la lisibilité des informations de conduite, aucune n’est exemplaire. Trop chargé !

Malus ? Quel malus ?

Comme évoqué plus tôt, la mécanique plug-in de la C 63 ne présente que très peu d’intérêt économique. Nous parlons d’une auto affichée 136.250 €… L’autonomie électrique permet bien de grappiller quelques litres, dans l’épaisseur du trait. Les développeurs AMG n’avaient certainement pas le marché français en tête, anecdotique, lorsqu’ils planchaient sur ce moteur hybride. Effet collatéral bienvenu : elle échappe ainsi à notre délirant malus maximal auquel un V8 sans électrification aurait fatalement été condamné. Et dont la M3 Touring écope, sans surprise. Moins chère à l’achat (116.650 €), mais pénalisée des fameux 60.000 € (229 g/km).

La Mercedes ne subit que 3.331 € de pénalité, étant homologuée à 156 g/km. Elle est toutefois frappée d’un malus au poids de 8.330 €, mais reste au final presque 30.000 € moins chère que la rivale BMW, après taxes : 147.905 € pour la C63, contre 176.650 € pour la M3. Il existe toutefois une parade, rappelons-le, pleinement justifiée pour l’honnête break familial qu’elle est. Faites des enfants : l’abattement de 60 grammes, pour un foyer de 3 enfants, ramène ainsi le malus de la M3 Touring à 7.959 €.

 


"PHOTOS - BMW M3 Touring vs Mercedes AMG C63, le choc : notre match en images (195012)"

Enorme surprise que cette C 63 AMG. On s’attendait à être déçu, et pas bluffé à ce point. Victoire BMW, pourtant. Et pas pour son volume de coffre supérieur (enfin, pas seulement).



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